Sara Flores (Paris 2023)
Sara Flores
13 Décembre 2023 – 13 Janvier 2024
Date
13 Décembre 2023 – 13 Janvier 2024
Kené est un terme Shipibo qui peut signifier « dessin » et qui a des liens étymologiques avec le verbe kéenti, qui signifie aimer ou prendre soin.
White Cube Paris a le plaisir de présenter une exposition de peintures Kené sur textile de Sara Flores. Basée dans la ville amazonienne de Pucallpa, dans la campagne péruvienne, Sara Flores (née en 1950) appartient au peuple Shipibo-Conibo, une communauté indigène qui vit le long de la rivière Ucayali. Sara Flores est reconnue dans son pays et à l’échelle internationale pour sa maîtrise du Kené, un médium ancestral qui est au cœur de l'expression artistique et de l'héritage culturel des Shipibo-Conibo.
Les communautés Shipibo-Conibo partagent une vision du monde fondée sur la réciprocité et la reconnaissance de l'interdépendance de toutes formes de vie. Géométriquement complexes et agencés rythmiquement, les dessins Kené servent de passerelles vers ce système de croyance et de connaissances anciennes. Kené est un terme Shipibo qui peut signifier « dessin » et qui a des liens étymologiques avec le verbe kéenti, qui signifie aimer ou prendre soin. Les motifs labyrinthiques du Kené résultent du rituel Shipibo-Conibo de la cérémonie de l'ayahuasca et de la consommation de plantes psychoactives, telles que le Kené Wáste, qui modifient l’état de conscience individuelle et qui sont à la source de visions. À travers ce processus, les Shipibo-Conibo attestent que la création du Kené est intrinsèquement un acte de guérison, et dont la symétrie complexe et le fluide enchevêtrement des motifs reflètent des conditions d'harmonie et participent à la restauration de la paix intérieure.
Sans orientation définie, le dessin du Kené est prisé pour ses rythmes savamment ondulés et la dimension ludique de ses lignes-formes déployées (peshtin). L'œuvre de Sara Flores est exemplaire à cet égard, car elle exécute une trajectoire intentionnelle de traits d'où émergent des tracés plus fins (kétana), tandis qu'à l'intérieur de ces espaces vides se nichent des motifs de remplissage (weshé) aux formes précises. S’expérimentant continuellement au sein de cette structure codifiée, le travail de Sara Flores met en lumière une capacité particulière à créer des mashcata dans ses dessins, une variation asymétrique résidant au sein d'arrangements symétriques, qui servent d'inspiration pour un nouveau motif. Transfert direct de visions incarnées, les Kené de Sara Flores harmonisent précision technique, connaissances héritées et expériences revitalisantes des rituels de médecine par les plantes.
Savoir intergénérationnel et pouvoir curatif du Kené sont liés à son affiliation à Ronín, l'esprit cosmique de l'anaconda, à la fois mère et gardien des rivières, et dont la peau se compose de motifs infinis. Dans sa maîtrise du trait protéiforme, Sara Flores invoque cet esprit tout en développant des connexions qui convoquent des principes mutuellement génératifs de mise en réseaux qu'ils soient neuronaux, psychologiques, liés aux éléments ou écologiques. De même, les motifs de Sara Flores expriment l'énergie de la croissance, évoquent les fragiles ramifications vasculaires des feuilles ou l’enchevêtrement des vignes grimpantes, les filigranes fractals de chacun d'entre eux convoquant des écosystèmes botaniques, voire cellulaires.
Flores récolte les matériaux pour son Kené à la main, créant des teintures à partir des plantes trouvées dans son environnement immédiat, qui sont appliquées au tucuyo, une toile faite de coton sauvage. Pour le peshtin noir, elle mélange l'écorce de trois arbres, dont deux proviennent du delta d'un fleuve et l'autre des hauts plateaux. Réduite à une teinture brune, le colorant est d'abord appliqué puis lavé sur la toile avec une solution d'argile qui transforme et fixe la couleur au noir. D'autres teintures polychromes sont préparées à partir de la flore autochtone, comme les feuilles de l'Amí pour le violet, le fruit de l'Achiote pour le rouge et la racine du Guisador pour le jaune. Ici, le Kené établit un lien direct avec la terre des Shipibo-Conibo et devient un moyen de faire perdurer l'esprit de sa flore et de ses arbres.
Fonctionnant comme une fenêtre sur l'espace infini, le Kené révèle les formes fluides et les images qui habitent le monde spirituel en se fondant sur une connaissance transmise par lignée matriarcale, d'une génération à une autre. Dès son plus jeune âge, Sara Flores a été formée à l'art du Kené par sa mère et son rôle illustre aujourd'hui le terme de joni-ati ou « fabrique de personnes » dans la communauté Shipibo-Conibo, où elle est assistée par ses filles. Sara Flores explique que dans son processus de création, « la main va d'elle-même et l'inspiration émerge ». Associant magistralement les deux principaux pouvoirs du Kené : le menin et le shinan, son travail allie une habileté acquise à une expression intuitive et à une imagination visionnaire insondable. « Le menin, l'aspect technique, peut être appris », explique-t-elle, « le shinan, l'aspect visionnaire, ne peut l'être. On a du shinan ou on n'en a pas ». Toujours dessinés à la main, dans des formes libres, sans règles ni études préparatoires, ses Kené commencent par quelques traits et s'élaborent rapidement de manière intuitive, à l'instar du processus d'écriture automatique.
Le Kené a été déclaré patrimoine culturel national du Pérou en 2008. Emblème de résistance artistique, le Kené affirme la défiance du peuple Shipibo-Conibo à l'égard des forces coloniales qui ont entraîné la destruction écologique et la pollution de l'environnement. L'œuvre énigmatique de Sara Flores exprime l'éthique indigène et le besoin urgent de préservation écologique tout en démontrant le potentiel transformateur de la création artistique.
Cette exposition est le fruit d'une collaboration avec le Shipibo-Conibo Center de New York. Le Centre est un projet artistique sous la forme d'une organisation à but non lucratif qui agit aux côtés des dirigeants indigènes en Amazonie afin de promouvoir l'autodétermination et la souveraineté territoriale des Shipibo dans le cadre d’un avenir durable.
Sara Flores (née en 1950) vit et travaille au Pérou. Elle fait partie des Shipibo-Conibo, un peuple indigène établi le long du fleuve Ucayali.
White Cube Paris (2023) ; CLEARING, New York (2023) ; CLEARING, New York (2022) ; White Cube Online (2021) ; l’Outsider Art Fair, New York (2020) ont récemment consacré des expositions monographiques à Sara Flores. Elle a, au cours des dernières années, également figuré dans les expositions collectives des institutions suivantes : Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Paris (2023) ; Para Site, Hong Kong (2023) ; El Museo del Barrio, New York (2023) ; Museum Voorlinden, Wassenaar, Pays-Bas (2023) ; Inca Garcilaso Cultural Center of the Ministry of Foreign Affairs of Peru et MAC Museum of Contemporary Art of Lima, Pérou (2022) ; Sala Luis Miró Quesada Garland, Miraflores, Lima (2021) ; Drawing Lab, Centre d'art dédié au dessin contemporain, Paris (2020) ; et Austrian Cultural Forum, New York (2018).
Les œuvres de Sara Flores sont actuellement présentées dans le cadre de l'exposition collective « Vision Chamaniques. Arts de l'Ayahuasca en Amazonie péruvienne » au Musée du quai Branly - Jacques Chirac à Paris.
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