Sylvia Snowden, Paris (2024)
Inside the White Cube
Sylvia Snowden
15 Octobre – 16 Novembre 2024
Date
15 Octobre – 16 Novembre 2024
La galerie White Cube est heureuse de présenter la première exposition personnelle à Paris de l'artiste américaine Sylvia Snowden, dont les peintures expressionnistes se consacrent à la complexité de la condition humaine. Au cours des six dernières décennies, Snowden a développé et affiné une technique picturale qui consiste à accumuler des couches épaisses de peinture acrylique et de pastels à l'huile sur du Masonite (dans ses premières œuvres) et sur de la toile. De cette manière, l'artiste transforme et déforme les formes figuratives de son sujet jusqu’à la limite du reconnaissable, allant même vers l'abstraction. Devenant ainsi à la fois individuelles et universelles, les figures sont alors moins des représentations ressemblantes que des personnifications distillées, reflets des circonstances sociales plus vastes qui ont inspirées ces œuvres et sur lesquelles celles-ci s’appuient.
Cette exposition rassemble 10 peintures de la série « M Street » de Snowden, dont le titre fait référence à une rue de la ville de Washington dans le quartier de Shaw – connu pour son histoire afro-américaine – où l'artiste vit et travaille depuis la fin des années 1970. Créée entre 1978 et 1997, chaque peinture de la série « M Street » représente une personne différente de cette communauté – voisin(e), ami(e), inconnu(e) – dont beaucoup étaient sans emploi ou sans abri. Dans les années 1970 et 1980, les États-Unis ont connu d'importantes turbulences socio-économiques qui, comme très souvent, ont touché de manière disproportionnée les personnes vivant en marge de la société. Marqué par une haute inflation, l'augmentation du chômage, puis par l'embourgeoisement des zones urbaines en raison de leurs loyers et services moins chers, le climat de l'époque a entraîné le déplacement de nombreux résidents à faibles revenus. Cette période a aussi été témoin de tensions raciales continues à la suite du mouvement des droits civiques, ainsi que d’une épidémie d'opioïdes en plein essor, y compris une consommation d'héroïne très répandue. C'est dans ce contexte que la série « M Street » de Snowden est née, en réponse, à bien des égards, à la violence systématique et aux réalités complexes vécues par ceux qui vivaient autour d'elle. À jamais en suspens dans leurs compositions, et sans la moindre indication de leur identité, les personnages qui habitent les peintures de Snowden dépassent leur forme physique tout en restant prisonniers du cadre.
Comme le fait remarquer la critique d'art Alice Thorson dans son essai sur l'artiste en 1988, ces peintures ne sont pas des portraits en tant que tels, mais plutôt des « hommages à l'esprit humain – à sa force face à l'adversité, à sa gentillesse et à son désespoir ». Bien que chacune soit inspirée par, et intitulée d’après, une personne spécifique, les peintures de la série 'M Street' vont au-delà de l‘étude du sujet et démontrent un même engagement tant dans l'exercice pictural que dans l'expérimentation formelle. Les empâtements de Snowden, parfois si épais qu'ils en deviennent presque sculpturaux, et son choix d'utiliser des panneaux rigides de Masonite comme support, évoquent de façon matérielle la dureté et la brutalité vécues par la communauté de Shaw. Représenté comme tordu et contorsionné, le corps d'Ethel Moyd (1984), par exemple, se bat avec insistance contre les confins du cadre de l'image. Ce mouvement en deux sens d’imposition et de résistance révèle à la fois la problématique de la représentation en peinture et l'ambivalence des habitants de la « M Street ». D'autres, comme Miss Leslie Mae (1982) ou Paula Black (1984), sont représentés par un amas de membres qui s'agitent et des mains surdimensionnées ressemblant à des griffes. Comme le souligne Snowden, « mes figures s'étendent jusqu'aux bords de la toile ou du papier ; elles viennent à votre rencontre, vous accueillent. Ce qu'il faut voir, c'est qu'elles cherchent à sortir de ces paramètres. Mais elles ne sont pas torturées (...). J'essaie d'aller au plus profond de la personne ; je peins la personne sans l'emballage ».
Snowden part pour la ville de Washington en 1956 à l'âge de 14 ans avec ses parents, qui soutiennent sa créativité et l'encouragent à s'inscrire à la Howard University. Elle y étudie sous les enseignements d'artistes tels que James A. Porter, Lois Mailou Jones et David Driskell, ce dernier étant bien connu pour son engagement à faire valoir l'art afro-américain comme un champ d'étude à part entière. En 1962, Snowden passe l'été en France à l'occasion d'un voyage étudiant guidé par Jones, où elle y visite des musées comme le Louvre et le Musée d'Art Moderne de Paris. C'est probablement là qu'elle découvre pour la première fois le travail de l'artiste expressionniste Chaïm Soutine, dont la facture gestuelle et l'utilisation de la technique de l’impasto exercent une profonde influence sur sa propre application de la peinture. L'influence de Soutine est peut-être plus prononcée dans les distorsions et exagérations que Snowden utilise pour susciter des états émotionnels intenses tels que le désespoir, la joie, la souffrance. Bien qu’intéressée, pour des raisons similaires, par les peintures d'Ernst Ludwig Kirchner et d'Oskar Kokoschka, Snowden considère son propre travail comme une variété « structurelle » d'expressionnisme abstrait : « il se base sur la structure d'un être humain, mais le personnage n'est pas nécessairement le sujet. Les personnages deviennent peinture ».
Le triptyque Jessie B. Snowden, I, II, II (1978-1982) représente la mère de l'artiste, qui était professeur de littérature anglaise. La maîtrise du pastel à l'huile dont fait preuve Snowden apparaît en évidence dans cette œuvre, animée par endroit de passages marron, bleu, jaune et vert qui se bousculent au sein d’épais contours à l’acrylique noir. Les griffonnages nébuleux au pastel évoquent autant la corporalité du sujet que sa personne, rappelant des organes, nerfs et constellations moléculaires. Dans chaque itération, Jessie B. Snowden semble être assise, les jambes écartées et la tête inclinée sur le côté, entourée de belles étendues vert sauge. Tout à droite du troisième panneau de ce triptyque, une langue de flamme rouge grimpe sur le côté, évoquant l'existence d'une passion débordante ou d’une destruction imminente. La palette variée et vive de ce triptyque pourrait aussi être interprétée comme un hommage à la mère de Snowden, qui décorait son foyer « en utilisant des couleurs intenses ».
Si les peintures de la série « M Street » sont ancrées dans le vernaculaire du quotidien de Shaw, elles doivent également être lues comme les observations chargées de psychologie de Snowden face à une communauté en marge, dont la pertinence transcende le lieu et l'époque de leur création. Faisant fi du naturalisme pictural en faveur de moyens gestuels et expressifs, le travail de Snowden dépasse les ressources limitées de la représentation lorsqu’il s’agit de la réalité vécue d'un milieu social négligé. L'énergie frénétique déployée dans ses peintures donne forme à une agitation commune qui découle de la persistance des inégalités et de la négligence sociale. Bien que les intérêts de Snowden soient mis en avant par une série phare telle que « M Street », la puissance de son travail réside dans sa capacité à transformer la lutte identitaire individuelle en une lutte synergétique collective. Comme le dit l'artiste : « Je peins notre humanité commune ».
Sélection d'œuvres
Sylvia Snowden
Jessie B. Snowden, I, II, III, 1978-82
Biographie
Sylvia Snowden est née à Raleigh, en Caroline du Nord, en 1942 et vit et travaille à Washington. Elle est titulaire d'une licence et d'une maîtrise de la Howard University à Washington, obtenues respectivement en 1963 et 1965. En 1962, Snowden fait un voyage en France avec un groupe d'étudiants d'art de la Howard University et obtient un certificat de l'Académie de la Grande Chaumière, Paris. En 1964, elle reçoit une bourse pour étudier à la Skowhegan School of Painting and Sculpture dans le Maine. Snowden a enseigné à la Cornell University à Ithaca dans l'état de New York, à la Howard University à Washington, et à la Yale University à New Haven dans le Connecticut.
Elle a été artiste en résidence, conférencière invitée et conservatrice dans des galeries et des écoles d'art aux États-Unis et à l'étranger. Elle a beaucoup exposé, dont au Rubell Museum à Washington (2022) ; à la Phillips Collection à Washington (2022) ; à la National Gallery of Art de Washington (2019) ; au Heckscher Museum of Art à Huntington dans l'état de New York (2005) ; à la Corcoran Gallery of Art à Washington (2000) ; au Montclair Art Museum dans le New Jersey (1996) ; au Herbert F Johnson Museum of Art à la Cornell University à Ithaca dans l'état de New York (1991) et au Baltimore Museum of Art dans le Maryland (1968, 1975, 1995). Elle a aussi participé à de grandes expositions de groupes, dont récemment Action, Gesture, Paint: Women Artists and Global Abstraction 1940-70 à la Whitechapel Gallery à Londres (2023), exposition présentée ensuite à la Fondation Vincent Van Gogh à Arles en France (2023), puis au Kunsthalle Bielefeld en Allemagne (2023-2024), ainsi que Magnetic Fields: Expanding American Abstraction, 1960-today au National Museum of Women in the Arts à Washington (2018).
Expositions muséale
Sylvia Snowden, The Hepworth Wakefield
‘Sylvia Snowden: Painting Humanity’
16 mars - 27 octobre 2024
The Hepworth Wakefield, UK
Image courtesy of The Hepworth Wakefield © Anya Fiáine-Fox.
‘Inside the White Cube’ is a series of exhibitions showcasing work by non-represented artists at the forefront of global developments in contemporary art who have not previously exhibited with the gallery.
Launched in 2011 at White Cube Bermondsey in London, the programme has since expanded to the gallery’s other locations.
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