Les artistes d’origine croate de TARWUK fonctionnent en tant qu’entité collaborative dont la pratique est guidée par un objectif commun : l'expérimentation de l'Identité. Cette quête s'appuie sur de vastes et inopinées associations d'histoires, d'iconographies, de subjectivités et de cultures. Leurs références vont de la culture pop à l'histoire de l'art, en passant par l'anime japonaise, le cinéma yougoslave, la peinture du début de la Renaissance, le symbolisme de la fin du XIXe siècle et le modernisme du début du XXe siècle. Grâce à leur intérêt commun pour l'imagerie historique et contemporaine, TARWUK navigue au sein de l'interaction complexe entre identité, vie et art, engendrant dans leur travail critique et performance simultanées de la pratique collaborative.

Une série de huit orbes en verre faites à la main éclairent les œuvres au sein de Conceived for the Stage, leur forme et le dessin ayant été donnés en rêve. Elles sont librement inspirées d'une série originale de lampes Bauhaus des années 1930 auxquelles TARWUK avait eu recours dans une installation précédente. Utilisées pour éclairer les peintures de grand format représentant des personnages assemblés et impliqués dans des scènes de théâtre intimistes, la douce radiance des orbes vient apporter une atmosphère émotionnelle accrue aux peintures individuelles et à l'ensemble de l’exposition. Dans MRTISKLAAH_erohs_nairebiT_a_nO (2023), le spectateur assiste à une tendre rencontre entre deux amants, au cours de laquelle d'autres personnages secondaires dansent et se dandinent sur une riche toile de fond palimpseste, ornée de motifs de brocart et de symboles floraux décoratifs.

Le plus grand tableau de l'exposition, MRTISKLAAH_egatS_ehT (2023), se déploie sur trois panneaux : le panneau central plante le décor de l'action centrale du triptyque, représentant des acteurs se mêlant aux membres du public, les rôles de regardeur et d'acteur devenant de plus en plus flous. Par contraste, les panneaux de gauche et de droite servent de "rideaux", encadrant la scène avec des configurations de formes concentriques en mouvement qui introduisent un certain degré de décalage avec l'action centrale. Un tel cadrage vient brouiller la distinction entre théâtre mis en scène et non mis en scène et ce qui constitue un "artifice".

La pratique de TARWUK est ancrée dans la performance, où des récits dissonants s’incarnent dans des dispositifs sculpturaux et des compositions figuratives, porteurs à la fois du sens du jeu débridé de l'enfance et du stoïcisme psychanalytique. Ayant grandi pendant les guerres yougoslaves des années 1990, le processus naturel de fonctionnement de TARWUK évolue selon une perspective singulière : "Le monde dont vous pensez faire partie est en constante évolution, et il y a très peu de choses que vous puissiez faire pour le maintenir tel quel. Peut-être que cet état d'esprit nous a rendus plus nihilistes, ou peut-être qu'il nous a préparés à laisser le connu derrière nous". En 2021, au milieu de la pandémie, TARWUK a initié ses Moon Sessions. Pendant toute la durée d'un calendrier lunaire, à chaque nouvelle lunaison, les artistes se sont livrés à des performances privées. Ils ont revêtu des masques et des costumes, réagissant aux humeurs atmosphériques changeantes de l’un ou l’autre, à chaque fois devant la même toile de fond fraîchement repeinte. À deux reprises, ils ont incarné des personnages de récits télévisés et cinématographiques, tels que la série mecha-anime Neon Genesis Evangelion et le film musical d'animation croate de 1986 Čudesna šuma (La forêt chantante d’ormes), auxquels il est fait allusion dans cette exposition.

Une atmosphère de performance privée imprègne les œuvres sur papier de TARWUK, attirant l'attention sur les mouvements des personnages dans l'espace et sur les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres. Les yeux fermés et les corps entrelacés dans une étreinte serpentine, les personnages échappent au regard du spectateur et semblent plongés dans une rêverie introspective. Évoquant une dimension onirique, TROOZ_sgninaem_dexif_dna_mrof_citats_eht_ot_htaeD (2021) réunit un ensemble discordant de personnages sur scène. Des corps verts d'un autre monde communient avec des membres d’un clergé religieux - certains paraissant humains, d'autres adoptant un visage porcin - et des visages fantômes se cachent à l'arrière-plan. L'incongruité de la troupe et la question de sa pertinence dans la scène sont élucidées dans la partie inférieure de l'œuvre, où le protagoniste endormi est couché sur le dos, évoquant les tableaux surréalistes par le biais d'un rêve.

En axant l'exposition vers le domaine physique, la nouvelle série de sculptures de TARWUK comprend trois œuvres plus petites, ainsi qu'une sculpture plus grande en plusieurs parties intitulée KLOSKAS_yalP_eht_dna_sreyalPehT,teop_ehT (2023). Dans cette dernière, deux protagonistes entretiennent un dialogue intertemporel imaginaire. Dans un coin, une élégante figure est assise sur une chaise en bois, vêtue d'un ensemble sur mesure fabriqué à partir d'une tenue d'ouvrier yougoslave et d'une robe édouardienne cousue main, qui se rejoignent par le milieu pour créer un seul et même vêtement. En face de la figure, son compagnon, peint sur la toile, prend place sur une "chaise" en fil de fer de style Art nouveau. Disposées dans l'espace sur des piédestaux, les trois sculptures plus petites forment les parties d'un costume inachevé. Des mains en argile synthétique, détachées de leur corps, restent immobiles, tandis que des souliers en cuir déchirés donnent naissance à des formations biomorphiques de cuir, de métal, de velours, d'argile et de coton, forgeant des paysages en inquiétante expansion.

Au sein du cadre théâtral de ‘Conceived for the Stage’, TARWUK explore la fiction inhérente au réalisme à travers des expressions d'artifices exacerbés et des métamorphoses tentaculaires. Évoquant des prises de position antérieures sur la constitution du moi dans la société, ou la post-histoire et les spectres du passé, TARWUK crée un récit fictif d'une expression humaine inquiète dans lequel le spectateur se voit impliqué.

À l'occasion de l'exposition, White Cube et TARWUK publient une édition de 100 livres imprimés en risographie, qui sert à la fois de guide et de livret pour l'exposition, ‘Conceived for the Stage’. L’ouvrage a été conçu en collaboration avec Timur Akhmetov et comprend un texte d'Elizaveta Shneyderman, ainsi qu'un livret écrit avec les conseils de Fetva, psychanalyste moldave et DJ parisien.

TARWUK (Bruno Pogačnik Tremow et Ivana Vukšić) sont nés en 1981 respectivement à Zagreb et Dubrovnik, en Croatie, et vivent et travaillent à New York. Ils ont exposé leur travail à l'échelle internationale, notamment dans le cadre d'expositions monographiques à la Halle für Steiermark, à Graz, en Autriche (2023), à la Collezione Maramotti de Reggio Emilia en Italie (2021), et au Musée des beaux-arts d'Osijek en Croatie (2017). Leur travail a fait partie de nombreuses expositions collectives présentées notamment au sein des institutions suivantes : Lafayette Anticipations, Paris (2023) ; Kim ? Contemporary Art Centre, Riga (2023) ; Frye Art Museum, Seattle, Washington (2022) ; Kunsthalle Wichita, Kansas (2021) ; et la Biennale d'art Drava, Osijek, Croatie (2020).